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Family Werks - Booty Bass - Ghetto Music
Paris, 22 novembre 2003, Nouveau Casino, Disco D fait danser une salle
de 700 personnes en quelques minutes. Il enchaîne allers retours
aux platines et au micro, les BPM sont élevés, les paroles
orientées sex, le public n'en revient pas…d’où
vient cette musique ?
Expliquons d'abord ce que l'on ressent en écoutant de la booty
bass. Vous êtes poussé par une envie irrésistible
de bouger les pieds, les fesses puis tout le corps. Les beats rapides
vous font aller de haut en bas, des paroles bien sex, c'est ça
l'esprit, vous avez tout compris.
Clark vous présente un genre musical venant de Detroit Michigan.
Il est resté underground aux US mais commence à frapper
les esprits de notre coté de l'Atlantique.
DETROIT STYLE
Le style doit ses origines indissociablement au contexte social et à
une large culture musicale. Detroit a connu l'émergence du style
booty et s’est toujours distinguée pour son style unique
dans l'histoire de la musique, depuis les pionniers de la soul de Motown,
du rock des stooges et jusqu'aux godfather de la techno (Juan Atkins,
Derrick may, Kevin Saunderson). Après un essor économique
important au début du siècle, la capitale de l'automobile
aux Etats- Unis (Motor City) voit ses usines fermer, des émeutes
raciales éclatent en 1967 et en une génération, le
centre ville se transforme en ghetto urbain déserté par
la classe blanche aisée.
Le cadre est planté, Detroit est une ville extrême. Une population
black largement majoritaire, un ghetto, le centre ville dans un décor
fantomatique, délabré, depuis que les usines et bureaux
ont été délocalisés. Au milieu trône
ironiquement la tour General Motors et autour, déambulent les clochards.
Pas étonnant alors que la population recherche à oublier
cette triste réalité et quoi de mieux que la musique pour
l'y aider.
On est en 1995, la techno s'essouffle à Detroit, les principaux
producteurs et djs ont quitté la ville pour se concentrer sur le
public européen ou japonais. Sont restées les musiques urbaines,
brutes, funky : hip-hop, Jungle, électro, miami bass. Les habitants
du ghetto et des banlieues se réunissent tous les week-ends pour
des fêtes locales appelées "Cabaret". Un organisateur
loue une salle, un wharehouse, trouve des djs. Le mot d'ordre est "bring
your own liquor and smoke" apportez tout ce dont vous avez besoin…
Les deejays jouent indifféremment, house, techno, bass, hip-hop,
tout le monde danse et montre ce qu'il sait faire.
La force de la musique de Detroit s'est construite grâce aux ondes.
Certains djs émergent du "Cabaret style" et obtiennent
des engagements sur deux radios concurrentes: WJLB et WDRQ. Ils développent
leur propre style et mixent: Chicago ghetto house (on en reparle plus
loin), electro (dans le sens electro hip hop produit à Detroit,
Direct Beat, Dopplereffekt, Ectomorph), techno, Miami Bass, jungle, hip-hop
et R&B. Des musiques urbaines conjuguées au style très
technique des deejays dont le mélange va s'appeler booty ou ghetto.
Les pionniers se nomment Gary Chandler, DJ Zap, DJ Fingers, Wax tax'n
Dre.

La booty est alors un genre, un style de mix et quelques producteurs
vont se lancer dans la fabrication de morceaux. Les premières "tracks"
sont inspirées de la Miami Bass.
Très populaire dans les titty bars (clubs de strip), ce style vient
de Floride et mélange les classiques éléctro tels
que Cybotron, Afrika Bambaataa "Planet Rock", avec des raps
évoquant aussi bien la fête, le sex, les mouvements des danseuses
qui remuent les fesses ou les bagnoles trafiquées avec des sounds
systems énormes. Des groupes comme 2 Live Crew, Luke Skyywalker,
Splack pack ont eu un grand succès à Detroit.
En 1996, sort le 1er des 6 volumes d'une compilation mixée "Straight
up Detroit Shit", dans lesquels Ade Mainor et Craig Adams alias Mr
DE et DJ Assault nous offrent une florilège de titres mixés
à 170 bpm. Les partenaires de l'époque y incorporent leurs
propres morceaux qui sortiront sous leurs labels Electrofunk records et
Assault Rifle. Ces maxis se vendent comme des petits pains dans l’inner
city de Detroit. Leurs morceaux sont remarquablement produits notamment
grâce au talent de Mr DE et à la tchatche de Assault. Certains
titres vont devenir des classiques: Ass&titties, Sex on the beach,
Terrortech, de véritables "ghetto anthems".
Parallèlement, DJ Godfather, DJ Starski et DJ Dick fondent les
labels twilight76 puis Databass en 1994. Ils sortent une quantité
de maxis variant electro bass sur Twilight76 et booty sur Databass.
Toute une clique se forme, la booty est en plein boom. Le label produit
plusieurs artistes dont DJ Nasty, 313 Bass Mechanics. Une scène
émerge et se fait connaître en Europe depuis 1999, grâce
à la notoriété de DJ Godfather et ses talents de
dj. Il mixe ses disques à la manière d'un dj de DMC, double,
scratchs, beat juggling, son répertoire est impressionnant.
Aujour'hui, Rap et R&B sont omniprésents. Les disques qui sortent
s'en inspirent avec plus de paroles et de samples reconnaissables par
son public. Les kids se retrouvent pour des battles de danse locale appelée
"Jit", un style de breakdance existant depuis des dizaines d'années
à Detroit. Elle colle parfaitement avec le rythme élevé
de la musique.
LA GHETTO HOUSE
Si Detroit a eu un très imposant passé soul, Chicago est
elle aussi majeure grâce au Jazz, au Blues et au Gospel. Dans cette
grande tradition musicale, les noirs américains de Chicago apporteront
leur style. La House ne tarde pas à naître au coté
d’un style plus commercial, la Jack Music (Jack Master Funk, Marshall
Jefferson) et des morceaux plus durs, les Chicago Trax (Mike Dunn, Steve
Pointdexter et son "Work That Mutherfucker"), pendant de la
Techno de detroit.
La House Music est une institution aujourd’hui, mais dans le ghetto,
la musique est en constante évolution, une génération
après l’autre les productions avancent. Au début des
années 90, les kids du ghetto veulent de la nouveauté et
une House à leur image avec un esprit "street" qui les
relie à leur environnement.
Ils s’appellent Funk, D-Man, Deeon , Wax, Jearld et à
15 ans achètent des machines SP1200, MPC… et des platines.
Ils se font la main dans les block parties, les basement parties, park
parties. Deeon vend ses cassettes en bas de son project (équivalent
du HLM en France) du Southside et ce fat boy se fait une belle réputation.
D-Man rentre dans les charts avec " Dooky Booty ".
Funk va chez Ray Barney, le boss du label Dance Mania et lui vend 6 titres,
son vinyl s’appelle " Ghetto Trax ", c’est
un hit et donne le nom au genre.
Westside, Southside, tous les kids achètent des tapes…Waxmaster,
Jammin Gerald attirent de plus en plus de monde dans leurs soirées.
Dans une grosse soirée, Waxmaster joue au coté de Thomas
Bangalter, qui a du être impressionné; car le morceau " Teachers "
des Daft Punk, sur leurs influences, cite au moins dix producteurs Ghetto
de Chicago.
Deeon avec ses homies, Slugo et Milton forment Freak Mode dans le Low
End, le sud du Southside. Dans leurs soirées, les filles se mettent
les fesses à l’air et les dance group comme Hous-O-Matic
dynamisent les shows avec du footwork (break dance locale).
Sur Dance Mania, ils sont peut-être maintenant 50 producteurs à
vouloir leur part du gâteau et remixent tout ce qui est hot, Biggie,
Tupac, Master P, Do or Die et les stars locales du rap comme Triple Darkness…
Des plus jeunes comme Nehpets arrivent. Il connaît bien Paul Johnson
et un après-midi, parce qu’il est malade, passe chez Paul
et pond son « Lay It Down », un classique qui est
toujours joué à Detroit.
L’histoire ne s’arrête pas là parce que une nouvelle
génération arrive avec son style, le Juke. Et c’est
autre chose, pas de surplace dans le ghetto. Thadz lance le truc et Lil’
Juke Man, son cousin de 8 ans, fait déjà ses propres tracks.
ET PARIS?
La
Booty commence à frapper les esprits de notre coté de l'Atlantique,
il est temps diront certains parce que ça fait 10 ans que ça
existe. Le problème est simple : les gens recherchent de l'éclectisme
dans les soirées alors quand on entend ce son, c'est comme une
claque. On revient à l'essence même d'une bonne soirée,
des morceaux nouveaux et originaux, du funk, les filles qui dansent donc
les mecs dansent aussi, de la sueur, des cris et tout le monde rentre
bien accompagné avec les sens affûtés. Orgasmic, DJ
de TTC qui lui-même distille quelques booty tracks dans ses mixes,
ne s'y est pas trompé en fréquentant ces soirées...
A Paris, seuls Serge Nicolas et Célina Seng, bien connus pour
leurs soirées Paradise Massage qui réunissent la fine fleur
de la techno de Detroit, font venir épisodiquement des DJs booty
tels DJ Godfather ou DJ Assault. Heureusement une clique s'est donnée
pour mission d'insuffler cet esprit au plus grand nombre. Basée
à Paris, Family Werks est composée de passionnés
de longue date par tous les styles de musique ghetto.
Les trois deejays de ce crew : Ghee-Top, Ice Kid et DJ Koyote ont accumulé
une impressionnante collection de disques de "ghetto style".
Grâce à des voyages aux US (Detroit, Chicago, New-York) ils
ont établi des relations avec la scène booty.
Chacun à sa particularité et ses propres influences.
Ice Kid
Paul Johnson le propulse dans cet univers en 95. Dés lors, il recherche
des Dance Mania partout où il va. Au delà du coté
House ou tracky du label, il comprend que le style Ghetto représente
quelque chose de plus vaste. DJ Boogie lui envoie quelques mixes en 97
et ça n'a fait que renforcer ses convictions. Il se met à
mixer sérieusement et développe son style avec des disques
de Detroit. Finalement, il fait le voyage à Detroit et Chicago
pour rencontrer des producteurs et ramener deux documentaires.
DJ koyote
Il commence à mixer de la techno de Detroit il y a 7 ans puis enrichit
ses sets d'electro bass et de ghetto house. Parti vivre en Angleterre
il y a 3 ans, il tombe sur une mixtape de Disco D qui le confirme sur
le fait de se consacrer entièrement à la booty. Dans ses
mixes, le mélange des genres est roi et scratchs, pass-pass et
beat juggling apportent une valeur ajoutée. Lors d'un voyage à
Detroit au printemps dernier, il se lie d'amitié avec Djs et producteurs
locaux.
Ghee-Top
Son maître mot est éclectisme. Grâce à une technique
inspirée des djs de Detroit et ses influences hip-hop, ses sélections
sont étonnantes. Ses sets sont largement agrémentés
de Miami Bass et d'électro, il connaît ses classiques. Dernièrement,
il incorpore du "Dirty South" dans ses sets.
Amismo
a rejoint la Family à la rentrée, elle met son talent de
monteuse en oeuvre pour monter 3 heures de projection pour les soirées
Booty. Elle participe aussi au montage des documentaires et des reportages
sur Disco D et DJ Funk avec Ice Kid. Mais Amismo avait déjà
une solide expérience de monteuse de films institutionnels, de
court métrage et de sujets TV. La peinture est aussi un domaine
qu'elle affectionne. Amismo apporte l'image à la bande son
de la Family. Elle participe à la mise en oeuvre d'une esthétique
Ghetto.
Ensemble, ils s'investissent dans la promotion de la culture ghetto par
le biais de différents projets: un novamix sur radio nova en décembre
dernier, la réalisation de documentaires videos tournés
pendant l'été 2003, la diffusion de leurs mixes chez tous
les bons disquaires et surtout l'organisation de soirées. Ils sont
en permanence à la recherche de nouveaux lieux, amis promoteurs
si vous êtes intéressés, n'hésitez pas à
les contacter.

Contact: familywerks@hotmail.com
www.familywerks.net
Text by: Jean-Marie Derquer, Jean-Marie Jéhanno, Alexandre Lotz.
Thanks to all at Family Werks for contributing this
article to FreqU, big up the French ghetto clique!
I am looking for any non-promotional material for this site. I
would love to receive any articles, photos or other shit. Contact
me if you want to contribute!
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